La semelle ferrée sonne sourde, pesante, sur le dallage des couloirs. A l’entendre encore, il semblerait que, comme celle des grands mastodontes terrestres faisant trembler le sol, vitres et murs vibraient à son approche. Le pas ample et mesuré, l’imposante stature va, calme, assurée, l’attitude hiératique. Le regard bleu délavé, dominateur, glisse hautain dans sa superbe ; la joue lourde encore ferme, le menton engoncé dans une gorge volumineuse tressautent à chaque parole. Le timbre de la voix est fort, porte loin.
La voix est sentencieuse, ne souffre aucun appel en grâce. Et tout ceci, c’est un corps immense, presque démesuré de taille et de poids. Clonc ! clonc ! Il arrive, s’arrête, solidement campé sur ses jambes, ancré au sol tel un poteau, et tonne de la voix, même l’innocent frémit, le coupable est parfois pris par l’oreille, à bout de bras, avec condescendance, dédain, et porté vers la sanction. Majestueux, il l’est aussi en pyjama et robe de chambre, la veille de vacances de Noël, quand il lance dans la cour, en petites foulées, dans la froidure d’une nuit de décembre, tout le petit monde des dortoirs surchauffés : ce qui avait fait dire à l’un d’entre nous : « au collège, une santé d’acier c’est le principal ! »